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iLoubnan | Art et Culture | Cinéma | Ricardo Mbarkho : « Il faut vivre l’œuvre et pas seulement la contempler »

RICARDO MBARKHO : « IL FAUT VIVRE L’ŒUVRE ET PAS SEULEMENT LA CONTEMPLER »

6 décembre 2007, par Diana Kahil

Ricardo Mbarkho, 33 ans, est un artiste-vidéaste libanais. Ricardo filme, ne cesse de filmer. Il ne se séparera jamais de son caméscope, comme brandi contre toute ombre malveillante. Le caméscope est à la base de cette forme d’expression qu’est l’art-vidéo. Il s’agit d’un art particulièrement économique car il ne nécessite pas l’achat ou l’emploi de grands moyens matériels.

Au répertoire de cet artiste, on compte ainsi un réseau composé de trois oeuvres centrées sur la communication par le biais d’internet (comme LebaneseGroup, Connected ou encore Visitors), des installations-vidéo et des vidéo (comme A la mémoire de Basil Fuleihan, Plus que normal et Gare de Lyon-Juvisy ). Ricardo Mbarkho est précurseur d’une nouvelle philosophie de l’art : l’art qu’il revendique est tout simplement une manière d’être. Sa citation culte : “chacun a de l’art ce que l’art a de lui-même’’. Selon lui, la création doit être un moyen et non pas une fin en soi. Elle doit participer activement à l’avènement d’un ‘’réseau’’, constitué d’un principe de pensée nouvelle, de brassage et de dialogue interculturel, contre le règne hostile de l’incommunicabilité.

Ricardo est diplômé de l’Institut supérieur des beaux-arts de Beyrouth, de l’ Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, ainsi que de l’Ecole Supérieure des Etudes cinématographiques. A cheval entre la France et le Liban, cet artiste vit aujourd’hui à un rythme vertigineux : Ricardo enseigne, crée, expose au Liban, en France et un peu partout dans le monde. Il incarne ainsi l’archétype même du Libanais « ambitieux » : l’étudiant qu’il était s’est lancé dans la vie, notamment dans l’univers de la vidéo et du 7ème art, mû par une solide volonté de réussir et de représenter l’appartenance socio-culturelle libanaise à un public à la fois national et international, au-delà des préjugés et en y mêlant sans pudeur rêves, idéaux et jardin secret. Tout cela bien sûr dans le contexte d’un Liban meurtri.

Pourquoi avoir choisi l’art vidéo comme support et base de votre créativité en tant qu’artiste ?
Ricardo Mbarkho : Avant toute chose, je dois dire que mon travail se concentre autour d’une question précise : celle de l’identité, du relationnel et du social au Liban, dans l’ensemble du moyen-orient et dans le monde en général.
L’art vidéo peut passer dans les médias plus facilement que les autres formes artistiques comme par exemple la sculpture, la peinture etc ... Cet art est un moyen d’expression et de communication facilement copiable, il est plus accessible pour le public. On peut le reproduire et le travailler sur un P.C par exemple.
Il est par excellence un support puissant, d’autant plus que de nos jours l’image, quelle soit mobile ou fixe, est partout. Elle se diffuse dans la vie de tous les jours. Elle joue un rôle phare et prépondérant dans la société contemporaine : télévision, cinéma, photographie ...

Dans vos oeuvres il s’agit surtout d’art expérimental où le social et le politique s’interpénètrent étroitement ...
La tête de pyramide dans le cinéma, c’est en grande partie le “comment raconter”.
Dans l’art expérimental, on n’est plus dans le “comment raconter”, ce qui compte c’est plutôt le positionnement personnel de l’artiste en fonction d’un vécu social précis et de l’englobant “Société”. Mon travail artistique est conçu et réalisé sur un support donné, celui de la vidéo. Il correspond à une trajectoire qui va du “serré” au “large”. Le plan “serré” fait ici référence à un point de vue particulier : celui de la projection intime, privée, personnelle et à l’imaginaire de l’artiste. Le plan large fait référence au concept de ce même point de vue du serré mais étendu à une vision globale d’une société toute entière, comme par extension. Et, toujours en ce qui concerne la perspective de mon travail, et ce contexte de plan serré / plan large, ma dernière vidéo expérimentale, que je viens de terminer (juin 2007, durée de 3.36 secondes, paru au Goethe-Institut à Beyrouth) évoque bien cette dimension et ce contexte de plan serré / plan large. Le synopsis de ma dernière œuvre, que j’ai intitulée Araméens, reflète la trajectoire de l’identité et de la mobilite araméenne, depuis la fuite en Irak etc ... Le personnage de la femme dans cette vidéo concentre en elle la race araméenne et ce principe de l’appartenance identitaire qui est entre autres libanaise.

Comment l’art-video est-il considéré au Liban, quel public vise t-il particulièrement ?
Depuis 2000, l’art vidéo devient de plus en plus à la mode au Liban. On peut même parler de véritable “phénomène”, d’expansion continue et de renaissance. En effet il faut dire que cette forme artistique connaît un essor plus que considérable.
L’art vidéo devient un média à part entière, ayant une existence propre comme la peinture, la sculpture, la photographie. Il est de plus en plus reconnu au Liban et suscite surtout l’intérêt des jeunes.

Le Liban... un avenir ?
Je n’arrive pas à penser l’avenir de manière méliorative et je ne peux parler de stabilité politique car le Liban a subi et continue de subir des crises à tous les niveaux. Ces crises se font par phases tantôt alternées tantôt successives.
La paix n’est jamais définitive, elle est momentanée. Les problèmes sont malheureusement de plus en plus nombreux et ont une origine très complexe et surtout quasi-originelle. Le conflit est omniprésent. Et c’est l’essence du Liban qui est en jeu. Personnellement, je ne crois pas à une stabilité à long terme pour le pays des cèdres.
Je pense personnellement et particulièrement qu’on ne peut pas parler de “ futur politique”, mais de “futur proche politique”, car les libanais sont toujours sur leurs gardes, ne sont pas et ne peuvent pas être tranquilles : événements plus ou moins attendus/ inattendus, explosions, assassinats...
Le Liban est confronté à des situations conflictuelles, venant rompre l’équilibre spatio-temporel et économique du pays : Nahr el Bared, Israël, Palestine... avec deux axes politiques : Iran / france-USA. Il y a toujours au grand désenchantement et, à la surprise des Libanais quelque chose qui arrive, qui doit arriver, qui arrivera et qui leur échappe...
Je suis d’une manière générale et dans l’immédiat assez pessimiste. Le Liban a subi et subit de façon continue une opération chirurgicale, cette opération peut être gagnée ou perdue, mais ce qui est sûr c’est que le Liban ne meurt jamais. Il est malade, certes, mais il n’est pas mourrant.

Qu’aimeriez-vous souligner ou rajouter d’autre ?
J’aimerais seulement rajouter le fait que je ne fais pas seulement de la vidéo, que je réalise aussi des oeuvres immatérielles, c’est-à-dire sans support artistique matériel, comme le montre par exemple la journée nationale du tabboulé , qui relève uniquement du domaine de ‘’l’information’’. Cette forme d’art peut s’annoncer comme une célébration dans la mesure où la célébration privilégie le vécu comme esthétique et surtout car c’est la prise de conscience de l’oeuvre qui fait l’oeuvre. Cette représentation non matérielle de l’oeuvre d’art suggère le fait qu’ “il faut vivre profondément l’oeuvre” et non pas simplement la contempler visuellement.